Le vert et rouge ne se prête pas
Par Antoine Marquet
C’est sans doute l’âge qui frappe…
Ou alors, comme disent les Normands, « une coche n’y retrouverait pas ses petits ».
Dernièrement, j’ai commis un billet sur le béret vert. Beaucoup d’anciens — et de moins anciens — sont surpris de voir ce béret, né dans la boue des rizières et dans le sang des combats en Extrême-Orient, remis aujourd’hui à des réservistes et même, sans aucune forme de misogynie, à du personnel féminin.
Cela semble désormais admis ; et pourtant en Indochine, les combattants indigènes, qui versaient leur sang dans les rangs légionnaires dans les combats les plus meurtriers, n’étaient autorisés qu’au port du béret blanc.
Mais tout cela, désormais, paraît n’être plus qu’une roupie de sansonnet.
Voici qu’une ère nouvelle se fait jour : l’attribution du fanion vert et rouge à une unité non légionnaire.
Pendant des années, le 5e Régiment Mixte du Pacifique, devancier du 5e Étranger, a reçu en son sein des personnels du Génie et du Matériel : ils portaient le béret vert.
Plus tard, devenu 5e Régiment Étranger, il « régnait » sur tous les éléments de l’armée de Terre affectés à Mururoa ou à Hao, même si ces unités n’étaient pas mixtes. Ainsi une unité des Troupes de Marine et une autre de l’Arme des Transmissions figuraient au T.E.D. du 5e Étranger. Elles vivaient au régiment comme des compagnies de légionnaires, mais — fières de leurs origines — elles conservaient leurs fanions aux couleurs de leurs armes.
Cela ne semble plus être le cas aujourd’hui.
Prenons l’exemple du 126e Régiment d’Infanterie.
Il est formé en 1810, à partir de deux régiments d’infanterie hollandais — vingt et un ans avant la création de notre chère Légion.
Son drapeau porte, en lettres d’or dans ses plis :
Bérézina 1812 — Artois 1915 — Aubérive 1917 — Italie 1918.
Le 4 décembre 1918 il reçoit la Croix de guerre 1914-1918 avec deux palmes et la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre.
Le 23 novembre 2011, la Croix de la Valeur militaire avec palme de bronze (opération Pamir – Afghanistan).
Et la décision du 9 janvier 2025 lui attribue à nouveau la Croix de la Valeur militaire avec palme de bronze au titre de l’opération Serval – Barkhane.
« Fier et vaillant » : telle est la devise du 126 et de ses Bisons blancs et l’histoire du régiment peut effectivement rendre fiers ses 1200 soldats.
Mais voici que sa 1re compagnie devient — pour une durée inconnue — la 1re compagnie du 5e Régiment Étranger.
Et voici que son commandant de compagnie a reçu, le 6 novembre dernier à Mayotte, un fanion vert et rouge, identique à ceux des compagnies « képi blanc ».
Le compte-rendu public de cet événement — diffusé sur internet — affirme que cette compagnie servira avec « Honneur et Fidélité ».
Je n’en doute pas un instant, mais je constate simplement que leur drapeau porte, comme tous les drapeaux régimentaires de l’Armée de Terre (hors Légion) : Honneur et Patrie.
J’ai connu, et estimé, dans le cadre opérationnel de Sarajevo, le général Robert Bresse, alors colonel, chef de corps des Bisons blancs de 1991 à 1993, comme un de mes camarades, lieutenant-colonel, qui a beaucoup servi à la Légion et avait commandé une compagnie du régiment de Brive la Gaillarde.
Sans ouvrir ici une quelconque polémique, j’aurais aimé connaître leur avis à ce sujet comme j’aimerais savoir si une compagnie de Légion étrangère affectée temporairement à un régiment du régime général, accepterait de défiler derrière un fanion aux couleurs de ce régiment en remisant le sien dans un tiroir?
J’ai des doutes…